Le demi-nu
« Maître-Nudiste de ce temps (…) l'inventeur incontesté et le créateur de toute cette demi-nudité moderne », voici comment l'écrivain Eugène Demolder décrit Félicien Rops.
Pornocratès est considérée comme "le prototype" du demi-nu. Félicien Rops décrit son œuvre dans une lettre à Edmond Picard, en ces termes : « (…) sur une frise antique, une grande fille, nue comme toutes les vérités, les yeux bandés, gantée de noir, chaussée de grands bas de soie noirs, coiffée d'un grand Gainsborough noir, se laisse guider par un cochon à queue d'or. »
Cette figure fut une révélation pour nombre de dessinateurs, qui virent dans cette chair jaillir la modernité. Désormais, avec la Pornocratès, la femme demi-nue devient l'emblème de l'esthétique ropsienne.
Chez Rops, la femme ne se déshabille pas. Elle vient au contraire de s'habiller, sans que ses vêtements aient la moindre fonctionnalité : nous sommes devant des nus de type académique, revêtus de vêtements non fonctionnels, mis en scène dans des lieux déréalisés de la vie moderne. Un nu qui porte une attention égale au corps et aux accessoires par lesquels il se trouve révélé.
Rops voile les parties a priori non sexuées et dévoile le ventre et le buste. Il encadre les parties sexuées avec des gants, des bas, des bijoux et des ceintures, les délimite, les désigne… Le désir est en quelque sorte orienté, fléché autant qu'infléchi…
En 1878, alors qu'il travaille aux Cent légers croquis, il écrit à l'avocat bruxellois Edmond Picard : « J'ai fait, en petit, beaucoup d'études de nu. Études d'animalier épris de la bête humaine. Non pas toujours le nu antique, mais du nu moderne, ou plutôt du demi-nu parisien. Je n'ai jamais trouvé bien intéressant le modèle que l'on hisse sur la table de l'atelier, je ne le retrouvais vivant que lorsqu'il descendait des tréteaux & se remettait une pointe de poudre de riz sur le nez, avant de passer ses bas. Tout à l'heure c'était une Antiope grotesque ou une Diane ridicule, maintenant redescendue de son nuage académique, c'est une femme de mon temps & c'est une Parisienne, c'est à peindre. »
Félicien Rops souhaite peindre le nu de son temps : « Chaque siècle, vous le savez, a sa façon d'interpréter le nu. Le 19e n'a fait que copier le nu des autres époques ! Je tâche de rendre le nu de notre époque. Le nu de la femme de notre temps, qui entre et qui ôte son corset & j'y arrive à peu près. – Il n'y a d'ailleurs rien de graveleux dans ces croquis, ce sont des nudités franches »