Félicien Rops et Thozée

Alors que la vie mondaine le fascine et que Paris l'envoûte, la nature s'offre comme un refuge où la douleur de la vie sociale s'estompe dans la contemplation de ce qui fut de toute éternité. (...)
Le paysage occuperait pour Rops une place particulière qui ne se définirait pas dans une opposition avec son œuvre critique - érotique ou satanique - mais dans une relation de complémentarité sous le couvert d'un même désir de modernité. À la critique de l'instant répond la jouissance de l'éternel dans la durée. "

( Michel Draguet, Rops et la modernité, 1991.)



Le peintre et graveur namurois Félicien Rops (1833-1898) était très attaché à la région de Mettet dans la province de Namur et particulièrement à Thozée, gentilhommière de fière allure, campée en pleine nature. 

Le site du Château de Thozée est remarquable à plus d'un titre. Entre autres, il fut intimement lié à la vie, à l'oeuvre et à la pensée de l'artiste. Pendant les vingt années où il séjourna à Thozée, avant son exil à Paris et lors de ses nombreux retours pour raisons familiales, c'est tout autant la nature qui l'entoure que le château lui-même qui marqua la vie du peintre.

Après qu'il se fut installé à Paris, Félicien Rops a souvent évoqué dans sa correspondance la vie qu'il menait à Thozée, les œuvres qu'il y créait et les amis qui venaient lui rendre visite : les peintres Dubois, Artan, Lambrichs, l'écrivain Charles De Coster, le photographe Armand Dandoy, le poète Charles Baudelaire et son éditeur Poulet Malassis, le botaniste Devos et bien d'autres. 

Thozée, mon Paraclet, mon Port-Royal des Champs ...

De Félicien Rops à Joséphin Pélandan, 1883, www.ropslettres.be, n°éd. 1252.


C'est par son mariage avec Charlotte Polet de Faveaux que le jeune Félicien, âgé de 24 ans, sera amené à découvrir Thozée. 

À cette époque, le domaine appartient à l'oncle de cette dernière. Elle en héritera une vingtaine d'année plus tard. De l'union de Charlotte et de Félicien naitront deux enfants : Paul et Juliette, dont le décès prématuré à l'âge de 6 ans plongera Rops dans un profond désarroi.  

À partir de 1874, une fois séparé de son épouse légitime et installé définitivement en France avec les soeurs Duluc, l'artiste gardera néanmoins de bons contacts avec son aîné. Leur correspondance en atteste.

Paul épousera Valentine Meuffels en 1900 et engendreront 5 héritiers. En septembre 1928, alors qu'il se promenait avec sa mère, Charlotte, dans le parc de Thozée, Paul succomba à une crise cardiaque. Il était âgé de 70 ans. 

Alors que Félicien Rops décéda le 23 août 1898 à Essonnes en France, Charlotte lui survécu plus de 30 ans. Elle mourut le 22 mars 1929, peu de temps après Paul, à l'âge de 94 ans.

Des cinq héritiers de Paul et Valentine, les deux cadets, Elisabeth et Pierre continuèrent à habiter le Château de Thozée et à préserver la mémoire familiale.  Les deux restèrent célibataires. Pierre mourut le 19 février 1990, laissant Elisabeth seule pour veiller sur le Château et son patrimoine. Elle y décéda en juin 1996, à l'âge de 87 ans. 


Au printemps, je t'enverrai de belles plantes pour notre vieux Thozée. Je veux te donner le goût des fleurs cela m'a beaucoup consolé en mes solitudes ...

De Félicien Rops à son fils Paul, vers 1890, www.ropslettres.be, n°éd. 3319.

LA GENESE DU FONDS

Les rencontres qui ont tout changé ...

Les derniers occupants du Château de Thozée ne sont autres que les descendants directs de Félicien Rops et de Charlotte Polet de Faveaux. 

N'ayant pas de descendance et craignant de voir disparaître leur héritage familial, dès 1982 Pierre et Elisabeth Rops préparèrent, avec Guy Cuvelier, conservateur adjoint du Musée Rops et son épouse Monique Ladot (présidente honoraire de l'ASBL),  les bases juridiques du Fonds Félicien Rops en charge de sauver le château. 

En 1983, la rencontre avec le cinéaste namurois, Thierry Zéno, sera déterminante pour l'avenir et la préservation du lieu, tombé alors dans un état de délabrement avancé.  En 1994, Elisabeth et Thierry créent l'asbl Fonds Félicien Rops dans le but de préserver les archives familiales, sauver la bâtisse du délabrement et de l'oubli mais également de continuer d'y inspirer des créations artistiques grâce à l'organisation de stages et d'ateliers-résidences d'auteurs et d'artistes plasticiens.  A son décès, Elisabeth institue le Fonds son légataire universel. 

En 1999, Suzy Delevoy-Otlet fait un don important qui permet la restauration de la toiture du château et, à son décès, ses biens furent légués au Fonds.

Thierry Zéno s'est éteint le 7 juin 2017. À l'heure actuelle, Michel Renard, l'administrateur-délégué en fonction, les autres membres du Conseil d' Administration et les bénévoles du Fonds poursuivent le travail de conservation, de rénovation et d'animation du Château.

ENTRE NAMUR ET METTET

Félicien Rops, Plan du jardin du château de Thozée, s.d., encre brune et crayon sur papier, 21 x 13,6 cm. Fonds Félicien Rops, en dépôt au musée Rops, inv. FFR D 042.

Félicien Rops, Entrée du Château de Thozée (détail), ca. 1858, huile sur toile, 27,2 x 23,9 cm. Fonds Félicien Rops, en dépôt au musée Rops, inv. FFR PE 014. 

Entre Château et Musée

En 2019, le Fonds Félicien Rops-Château de Thozée a signé une convention de mise en dépôt d'une partie de ses collections avec la Province de Namur. Fort de ce partenariat, le Musée Rops s'est vu confier des peintures, dessins, gravures, lettres et documents pour beaucoup encore inédits qui permettent d'envisager de nouveaux points de vue sur l'artiste. C'est ainsi que la Province de Namur s'est vue confier des pochades inédites de l'artiste lui-même que Charlotte Polet de Faveaux, sa femme légitime et son fils, Paul Rops, avaient précieusement conservées. Sur ces ébauches de paysages très probablement prises sur le vif, en pleine nature, on retrouve les caractéristiques de captation de la lumière et de déconstruction des repères propres au mouvement impressionniste.

Depuis 2022, le Château de Thozée et son ASBL sont associés au Musée Provincial Félicien Rops de Namur en qualité d'opérateur d'appui reconnu par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

       Envie d'en savoir plus sur l'artiste et ses oeuvres ?        Rendez-vous sur le site du Musée Provincial Félicien Rops